Récits ferroviaires – Gaspard

 

blog17_3_15_DSF1268b

 

 

Il voyageait sans « titre de transport “. Tout le wagon pouvait entendre le contrôleur lui demander : ” Vous ne saviez pas qu’il faut un billet pour voyager? ” Mais il ne jouait à rien et pas à faire l’imbécile qui ne comprend pas. Il avait tenté sa chance et de la chance justement, il n’en avait pas. ” Combien avez-vous sur vous? “ Les contrôleurs ont des consignes. Il avait quelques euros. Pour ce prix là, le contrôleur lui a concocté un “titre de transport” et l’a invité à s’asseoir avec les autres passagers. Beur, pauvre, mais pas paria. Quand la Gare de Lyon a été annoncée, il s’est levé avec d’autres passagers, mais lui, on voyait bien qu’il ne serait en retard nulle part et discrètement il a compté ce qui lui restait en poche . Il fut évident pour tout le monde que ce n’était pas assez.
De toute façon, Gaspard, combien de temps aurais-tu gagné avec le prix du billet ?

 

 

A l’arrivée du train, hagard, un homme remonte en sens inverse le flot des voyageurs, brandissant devant lui comme une excuse, un chihuahua…
Il n’y a pas que la brume de novembre qui l’attende comme surprise à son retour à Paris. Dans sa corbeille à papier, il a trouvé le numéro de téléphone de l’hôtel où elle est descendue avec son amant, alors qu’elle était censée être au chevet de sa mère malade. Ses meubles sont au garde-meubles. Il garde la voiture et l’appartement. Quant aux enfants, son avocat à lui, prendra contact avec son avocat à elle. Mari trompé, il n’en est pas moins homme. Il lui laisse le chihuahua. Dans sa hâte de le lui donner, il bouscule sans le voir, un jeune beur accablé, qui ne sait pas de quoi seront faites ses dernières heures d’homme presque libre.

 

 

__________