Récits ferroviaires – Le chef de gare

 

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Ils étaient les seuls à ne pas le savoir. Un TGV finit toujours par partir. Quand ils l’ont appris, d’un mouvement réflexe ils se sont décollés l’un de l’autre et ont ébauché le même geste de le retenir.
On pouvait les avoir remarqués, seuls à quai, étroitement enlacés et soupçonné que la séparation s’avérait délicate. Quand le train s’est ébranlé, la stupeur a gagné tous les spectateurs. Chacun s’identifiait à celui ou celle dont la valise était restée dans le train en partance, dans le train parti. Et chacun d’imaginer un scénario possible. Amours naissantes ? Amours contrariées ? L’un ou l’autre doit repartir vers le lieu de son travail … un autre couple… Pourtant… on ne peut créditer des adultes de l’ignorance d’un train au départ. En quoi – pensait la psy à la petite semaine qui sommeille en moi – en quoi diable avaient-ils besoin de cet acte manqué ? Est-ce bon signe pour l’avenir cet acte manqué en lieu et place de la décision, de la signature de l’acte ?
Trêve de conjectures… C’est le chef de gare qui a tranché. De là où il était, il a bien vu qu’il n’y avait rien de mieux pour eux que de les mettre en face de leur propre histoire. Comme toutes les personnes en relation aux « publics », les chefs de gare développent des capacités de perception, d’analyse, de rapidité de décision, à proprement parler époustouflantes.
Il n’en parle à personne de son petit jeu, mais ça le réjouit de jouer les bienfaiteurs des amours-TGV , auxquelles il offre, une fois sur cent, une prolongation… Cadeau du chef !

 

 

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