Encore Venise – et la Biennale 2019 ?

 

La visite commence aux Giardini, et on entre dans le pavillon espagnol.

L’attraction est de voir l’artiste  Itziar Okariz pisser sous la pluie. Hum… passionnant. On va donc aller un peu plus loin voir ce qu’il se passe chez les Belges.

Jos de Gruyter & Harald Thys nous présentent de l’humour belge, en mouvement et en musique. Des automates de l’ancien monde répètent leurs gestes gauches en produisant une musique sinistre, sur le pourtour, des cages enferment des marginaux. Le tout n’a probablement aucun sens et a donc été primé à la grande joie de toute la Belgique, bien que l’un des artistes soit néerlandais, et de Harald Thys :« C’est le plus beau cadeau que m’a fait la vie après ma femme ».

A quelques mètres de là on trouve la Hollande, où l’ambiance est un peu glaciale, mais élégante. Remy Jungerman a aimé Mondrian et construit des architectures strictes et discrètement ornées. Classieux !

Dans le même pavillon, Iris Kensmil nous présente des féministes et intellectuelles noires, peintes d’une façon « moderne », c’est à dire sans grand effort, bien que la présentation officielle nous indique que « ces portraits ont été réalisés à partir de photographies et sont peints de manière à ce qu’une lueur les éclaire de l’intérieur, comme si cette lumière provenait de l’arrière du portrait ». Ah bon ?

Djordje Ozbolt a recréé dans le pavillon de la Serbie un musée imaginaire dans un lieu imaginaire. Wikipedia présente l’artiste ainsi : « Djordje Ozbolt est un artiste serbe basé à Londres qui explore des idées d’histoire, de mémoire et de culture contemporaine à travers des peintures, des sculptures, des dessins et des installations ». Comme on peut en dire autant à propos de 90% des artistes contemporains, c’est dire à quel point il est dur de caractériser son travail. Les couleurs vives de ses peintures ne passent pas inaperçues, et l’étrangeté  des sujets interroge. Que peut-on faire de ces deux chiens qui évoquent le Whisky posant comme dans un tableau de Gainsborough ? Eh bien prendre des selfies devant le tableau comme j’ai pu le constater pendant toute la visite du pavillon !

 

Passons aux USA avec Martin Puryear, artiste décalé qui croit encore à l’artisanat, à la matière et au sens. Ses sculptures sont puissantes, riches et puisent dans la biologie, l’architecture et l’intelligence. Il est vieux, et inconnu en France, honorons le plutôt que Jeff Koons, par exemple.

Le premier étage du pavillon russe a été confié au cinéaste Alexander Sokurov qui a pris comme prétexte à sa scénographie un tableau de Rembrandt, « Le Fils Prodigue ». On peut trouver l’ensemble brillant ou kitsch selon sa sensibilité au drame et à la spiritualité.

Au rez-de-chaussée, on est dans l’univers de Gogol avec des pantins montant et descendant du sol au plafond dans une lumière de sang.

Et une « charité romaine » qui tourne lentement, laissant les cheveux dévoiler peu à peu la scène.


Et l’Iran ? Pavillon fermé….

Il est temps d’affronter le bâtiment principal, et ça commence mal puisque nous sommes accueillis par un brouillard artificiel glaçant.

 

 

A l’intérieur on peut voir une jeune japonaise qui a décidé de tirer parti de son infirmité. Bonne idée, évidemment, mais doit-elle se couper un bras pour continuer à occuper les cimaises ?

 

 

Vite, un peu d’art religieux pour se remettre du spectacle. Manque de chance, encore une infirme…

 

Heureusement, des petits lavis de Michael Armitage nous enchantent, et ce n’est qu’un prélude aux grands tableaux accrochés à l’Arsenale.

 

 

La plus grande attraction est la machine infernale de Sun Yuan et Peng Yu qui regroupe inlassablement une épaisse peinture rouge à ses pieds, mais par des mouvements gracieux ou humoristiques qui donnent beaucoup d’humanité à ce mécanisme concentrationnaire. Une métaphore de l’art en Chine? Comme je ne sais pas importer de vidéo, il faut se contenter du mur en face où Frida Orupabo explore, parait-il, le corps féminin noir !

 

 

On terminera cette visite épuisante par une peinture de la nigériane Njideka Akunyili Crosby qui réussit à rendre passionnantes des scènes de la vie quotidienne, par des formes et des couleurs traversant les cultures.

 

 

Prochain épisode, l’Arsenale…

Les lieux en eux-mêmes sont tellement beaux que l’on peut se demander s’il est utile de s’attarder sur les centaines d’œuvres qui y sont entassées.

Mais, comme on est courageux, on va faire la queue, se faire bousculer, se mêler aux flots d’humains juste pour pouvoir critiquer.

 

Tout d’abord, la peinture n’est pas encore morte ! Heureusement, car on pouvait voir à la Pointe de la Douane (chez Pinault) l’acmé de l’Art Contemporain et ça donnait ceci :

En toute franchise de plouc, je préfère mettre un tableau au mur de mon « Mon Repos » plutôt que de poser un ballon par terre en me grattant la tête pour trouver le sens et la portée politique de cette œuvre gonflante.

Revenons à la peinture !

On commence par Jill Mulleady, artiste d’Uruguay, qui s’inspire à la fois de son observation de la vie quotidienne et de mondes imaginaires. J’ai un peu l’impression que les autres peintres font de même. C’est peint à la va-comme-j’te-pousse, mais celui-ci m’emmène avec lui dans un monde dont je ne rêve pas.

Lynette Yiadom-Boakye, peint simplement, mais arrive à rendre ses personnages vivants et intéressants en les posant simplement dans le monde. Une démarche photographique, finalement, mais avec la touche en plus.

Et, pour finir en beauté, de grandes toiles de Michael Armitage, belles et puissantes !

De grands portraits de Zanele Muholi s’imposent dans les immenses salles de l’Arsenale, ce qui démontre, s’il en était besoin, que la photographie ne sert pas qu’à documenter ou à illustrer les tourments ou la banalité de sa vie personnelle, mais peut porter un projet vers des sommets plastiques.

Une petite pause dans la pénombre et les chuchotements avec Shilpa Gupta, artiste indienne inventive qui nous fait entendre (et voir) ici 100 poèmes d’artistes emprisonnés.

Passons au monumental. Yin Ziuzhen travaille avec des matériaux usagés, qu’il recycle dans l’Art International. Plus-value phénoménale ! L’ensemble fait gros bricolage, mais l’essentiel est la monumentalité. Trop grand pour mon salon…tant mieux.

Un autre chinois,  Liu Wei, présente des géométries que l’on croirait sorties de tableaux de Fernand Léger. Une vitre empêche de se promener dans ce paysage moderniste et c’est frustrant.

Après cette perfection plastique, un peu d’art minimal proposé au pavillon irlandais par Eva Rothschild.

L’ambition affichée est d’évoquer la possible (probable) ruine de notre monde industriel, où les architectures de béton feront d’aussi belles ruines que les temples de la Grèce classique. Comme Eva est une maline, un petit panneau indique que l’on peut grimper sur l’œuvre, ce qui en garantit le succès auprès des enfants (grands enfants, parfois).

En outre l’artiste propose un peu de mobilier en béton, mignon et facile à fabriquer. Aucune commercialisation n’est proposée, dommage.

Comme on sait bien que tout art sérieux se doit d’être sinistre (Soulages, brrrrrr ), quelques exemples glanés ça et là:

 

On s’attardera sur ce bateau défoncé présenté par Christoph Büchel. Il contenait les cadavres de migrants piégés dans la cale après le naufrage de cette poubelle flottante. Je n’ai rien contre les monuments commémoratifs, et la charge émotionnelle de celui-ci est indéniable. Mais « signer » ce bateau et l’exposer me semble parfaitement putassier.

Bref, passons à plus léger, rigolo et sexuel.

Le pavillon du Pérou est investi par Christian Bendayan, par une vaste installation intitulée « Indios Antropófagos ». Une présentation pleine d’humour noir où l’on voit l’effet corrupteur de l’invasion des terres d’Amazonie par l’Occident.

Il est temps de terminer la visite, les pieds sont fatigués.

Pavillon indien

On lira plus tard le catalogue !

Pavillon du Luxembourg

Et on reviendra dans deux ans si le monde existe encore et si Salvini n’est pas au pouvoir.