Cœur de pierre

 

Non, de pire, rien. Par-delà des pics d’effrois

 

Plus d’affres, fruits d’affres vieilles, affreusement vont tordre à fond.

 

Consolateur, où donc, où donc est ta consolation ?

 

Marie, mère de nous tous, où donc est ton soutien ?

 

Mes cris montent, bêlent en foule, affluent en un malheur

 

Majeur, un malheur-monde; sur l’antique enclume il vibre et geint,

 

Puis s’alentit, s’abandonne. Hurle Furie :  » Pas de sursis, serai cruelle : forcée d’en avoir tôt fini. »

 

O l’esprit ; esprit a ses montagnes : effrayantes falaises,

 

Aux à-pics de vertige, insondés. Seul les minimise
Qui n’y fut suspendu! Et longtemps ne peut, notre infime

 

Endurance affronter cet à-plomb, cet abîme. Ici! Couché,

 

Pouilleux, sous le soulas que souffle la tempête : à toute

 

Vie mort met fin, et chaque jour meurt dans le sommeil.

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L’univers est chargé de la grandeur de Dieu.

 

Elle doit jaillir telle les feux d’une feuille d’or que l’on froisse.

 

Elle s’amoncelle à force comme l’huile comprimée

 

Gicle.Pourquoi donc les hommes font-ils fi de son fouet ?

 

Les générations ont piétiné, piétiné, piétiné.

 

Tout est flétri par le négoce ; par le labeur brouillé, souillé,

 

Porte la crasse de l’homme, suinte l’odeur de l’homme. Le sol

 

Est nu maintenant, et le pied ne peut le sentir étant chaussé.

 

N’importe, la nature n’est jamais épuisée,

 

La plus tendre fraîcheur gît au fin fond des choses.

 

Et bien que l’ultime lueur ait sombré à l’ouest sombre,

 

Au bord brun de l’orient, oh ! jaillit le matin

 

Parce que le Saint Esprit couve le courbe
Monde de la chaleur de son sein et de la lumière ah ! de ses ailes.

 

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Le front du berger, affrontant l’éclair fourchu, en porte

 

Toute l’horreur, la dévastation et la gloire.

 

Les anges tombent, ils sont des tours, du haut du ciel, histoire

De justes, majestueuses, géantes plaintes.

 

Mais l’homme – nous, échafaudage de petits os cassants

 

Qui respirons, poupons rampants, bientôt chenus

 

A hoqueter; dont le souffle est notre memento mori

 

Quelle basse est notre viole pour les tons tragiques ?

 

Lui! Main à la bouche, il vit, se vide honteusement,

 

Et bien qu’il blasonne effrontément son nom,

 

L’homme, un coquin craché; sa moitié, une garce.

 

Et moi qui meurs ces morts, qui nourris cette flamme,

 

Qui… au miroir des cuillers épie la vie masquée : mate

 

Mes tempêtes là, mes feux et fièvres faits de chichis.

 

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Gerard Manley HOPKINS (1844 – 1889)