blog29_6_18_DSC_7380bb
UNE PROMENADE AVEC
ANTONIN ARTAUD
blog29_6_18_DSC_7355
C'est en ce moment pour moi une sale époque,
blog29_6_18_DSC_7365
toutes les époques d'ailleurs sont dégueulasses dans l'état où je suis.
blog29_6_18_DSC_7352
Vous n'imaginez pas à quel point je puis être privé d'idées.
blog29_6_18_DSC_7370
Je n'ai même pas les idées qui pourraient correspondre à ma chair, à mon état de bête physique,
blog29_6_18_DSC_7368
soumise aux choses et rejaillissant à la multiplicité de leurs contacts.
blog29_6_18_DSC_7398
Et la bête mentale n'en parlons pas.
blog29_6_18_DSC_7403
Ce que j'admire, ce pour quoi j'ai appétit, c'est la bête intelligente qui cherche, mais qui ne cherche pas à chercher.
blog29_6_18_DSC_7387bb
Ce qui me fait rire chez les hommes, chez tous les hommes, c'est qu'ils n'imaginent pas que l'agrégat de leur conscience se défasse;
blog29_6_18_DSC_7410bb
A n'importe quelle opération mentale qu'ils se livrent, ils sont sûrs de leur agrégat.
blog29_6_18_DSC_7412
J'estime avoir assez emmerdé les hommes par le compte-rendu de mon contingentement spirituel, de mon atroce disette psychique,
blog29_6_18_DSC_7414
et je pense qu'ils sont en droit d'attendre de moi autre chose que des cris d'impuissance et que le dénombrement de mes impossibilités,
blog29_6_18_DSC_7376
ou que je me taise.
Mais le problème est justement que je vis.
Mais le problème est justement que je vis.
blog29_6_18_DSC_7411
Je suis comme un aveugle au milieu des idées, toute spéculation qui ne serait pas un constat, une simple agitation de phénomènes connus, m'est interdite
blog29_6_18_DSC_7418
mais le mal à y regarder de près est que je ne vois pas la nouveauté, ou pour mieux dire la nécessité d'aucune opération intellectuelle.
blog29_6_18_DSC_7381
Il n'y a pas de choc dans l'esprit qui m'apparaisse comme le résultat d'une Idée, c'est à dire d'une conflagration nourricière de forces au visage neuf.
blog29_6_18_DSC_7382
J'en suis au point où je ne sens plus les idées comme des idées, comme des rencontres de choses spirituelles ayant en elles le magnétisme, le prestige,
blog29_6_18_DSC_7521b
l'illumination de l'absolue spiritualité, mais comme de simples assemblages d'objets.
blog29_6_18_DSC_7375
Mon agrégat de conscience est rompu.
blog29_6_18_DSC_7524
J'ai perdu le sentiment de l'esprit, de ce qui est proprement pensable,
blog29_6_18_DSC_7525
ou le pensable en moi tourbillonne comme un système absolument détaché, puis revient à son ombre.
blog29_6_18_DSC_7519
Et il nage comme des lambeaux de petites pensées, une illumination descriptive du monde,
et quel monde !
et quel monde !
blog29_6_18_DSC_7517b
Mais au milieu de cette misère sans nom, il y a place pour un orgueil, qui a aussi comme une face de conscience.
blog29_6_18_DSC_7533b
C'est si l'on veut la connaissance par le vide, une espèce de cri abaissé et qui au lieu qu'il monte descend.
blog29_6_18_DSC_7515
Mon esprit s'est ouvert par le ventre,
blog29_6_18_DSC_7463
et c'est par le bas qu'il entasse une sombre et intraduisible science,
blog29_6_18_DSC_7435
pleine de marées souterraines, d'édifice concaves, d'une agitation congelée.
blog29_6_18_DSC_7437b
Qu'on ne prenne pas ceci pour des images.
Ce voudrait être la forme d'un abominable savoir.
Ce voudrait être la forme d'un abominable savoir.
blog29_6_18_DSC_7427b
Mais je réclame seulement pour qui me considère
le silence,
le silence,
blog29_6_18_DSC_7438
mais un silence intellectuel si j'ose dire, et pareil à mon attente crispée.
blog29_6_18_DSC_7440
Je pense à la vie.
blog29_6_18_DSC_7443
Tous les systèmes que je pourrai édifier n'égaleront jamais mes cris d'homme occupé à refaire sa vie.
blog29_6_18_DSC_7446
J'imagine un système où tout l'homme participerait, l'homme avec sa chair physique
blog29_6_18_DSC_7449
et les hauteurs, la projection intellectuelle de son esprit.
blog29_6_18_DSC_7460
Ces forces informulées qui m'assiègent, il faudra bien un jour que ma raison les accueille,
blog29_6_18_DSC_7489
qu'elles s'installent à la place de la haute pensée, ces forces qui du dehors ont la forme d'un cri.
blog29_6_18_DSC_7421b
Il y a des cris intellectuels, des cris qui proviennent de la finesse des moelles.
blog29_6_18_DSC_7493
C'est cela, moi, que j'appelle la Chair.
blog29_6_18_DSC_7535b
Je ne sépare pas ma pensée de ma vie.
blog29_6_18_DSC_7546b
Je refais à chacune des vibrations de ma langue tous les chemins de ma pensée dans ma chair.
