Suzanne et les vieillards

 

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Suzanne Valadon, peintre, un temps compagne d’Éric Satie, mère de Maurice Utrillo, modèle de nombreux peintres, devait son prénom à Toulouse-Lautrec. Auparavant, elle s’appelait Marie-Clémentine : « Toi qui poses nue pour les vieillards, tu devrais t’appeler Suzanne ! » lui avait-il dit.

 

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De fine mousseline à peine revêtue,
Assise, un bras fuyant, l’autre en avant penché ;
Son beau pied, non chaussé, d’albâtre et de statue,
S’éclairant, au parvis, d’un reflet détaché,Au parvis étoilé, d’où transpire et s’exhale
Par les secrets d’un art, magicien flatteur,
Quelque encens merveilleux, quelque rose, rivale
Des roses du buisson à naïve senteur ;

Simple, et pour tout brillant, dans l’oubli d’elle-même,
À part ce blanc de lys et ces contours neigeux,
N’ayant de diamant, d’or et de diadème,
Que cette épingle en flèche attachant ses cheveux ;

N’ayant que ce dard-là, cette pointe légère,
Pour dire que l’abeille aurait bien son courroux,
Et pour nous dire encor qu’elle n’est pas bergère,
Un cachemire à fleurs coulant sur ses genoux ;

Sans miroir, sans ennui, sans un pli qui l’offense,
Sans rêve trop ému ni malheur qu’on pressent,
Mêlant un reste heureux d’insouciante enfance
À l’éclair éveillé d’un intérêt naissant ;

Qu’a-t-elle, et quelle est donc, ou mortelle ou déesse,
Dans son cadre enchanté de myrte et de saphir,
Cette élégante enfant, cette Hébé de jeunesse,
Hébé que tous les Dieux prendraient peine à servir ?

Elle est trouvée enfin la Psyché sans blessure,
La Nymphe sans danger dans les bains de Pallas ;
C’est Ariane heureuse, une Hélène encor pure,
Hélène avant Paris, même avant Ménélas !
Sainte-Beuve

 

 

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