Marée basse – le dernier des Mohicans

 

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Jusqu’à 9 ans il n’avait parlé que le breton. A 9 ans, pension chez les pères et interdiction formelle de dire un seul mot de breton. Éradication sauvage de la langue maternelle. C’était ça ou rester bas-breton toute sa vie ! Il embarqua dans le français sans états d’âme. Du moins, c’est la posture qu’il affichait: « Comment voudrais –tu traduire ?… » Il empruntait un mot à la science, à la médecine, à la mécanique. Car dans ce déni de culture fondateur, il devait en plus, créer l’univers mental qui rendait nécessaire l’abandon de tout ce qu’il avait été. Il lui resta cette interrogation sur la langue, ses bizarreries, ses exceptions qui devenaient la règle…
Parti pour parti, il alla plus loin encore. A la fin de sa vie, il racontait encore son premier choc de lecture : Le Dernier des Mohicans.
A l’âge avancé des mémoires incertaines, je les entendis ma mère et lui, s’affairant dans la cuisine, s’égayer à l’évocation de ce livre qui leur avait ouvert l’espace jusqu’à l’horizon, se remémorant chaque personnage, s’émouvant de leurs destins.
Plus tard, j’ai traversé les USA d’Est en Ouest. Très vite dans les plaines du Middle West , on pense aux Indiens. Très vite, on voit des bisons, Très vite, on sait définitivement qu’il y avait de la place pour tout le monde. Dans les Rocheuses, à un moment, on a vu un rocher taillé comme un profil d’indien. Et quand les sapins Wellington ont recouvert le territoire dans l’Etat de Washington, il est clair que les Mânes des indiens volaient autour de nous.
Mon père était du voyage. J’accomplissais le voyage qu’il n’avait pas fait. J’avais touché l’Amérique.

 

 

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